Miria
VIII
"Et maintenant ?", demanda-t-il, ne quittant pas son interlocuteur du regard, "vous
savez tous deux manier un navire et commander un équipage, presque
aussi bien que moi, ce qui n'est pas rien, tu me le concéderas. J'ai
tenu ma part de l'engagement. A toi de tenir la tienne, désormais."
Ils
étaient seuls. Andopal avait demandé à son frère aîné de se retirer.
Probablement avaient-ils prévu ce moment depuis longtemps car Naryal
n'avait pas bronché et était parti. Ils avaient passé les trois mois
précédents à Port Kar et sur Thassa, en compagnie du capitaine Faenius.
Il avait été un professeur attentif et patient, prenant rapidement
plaisir à enseigner ainsi son art. D'autant qu'au bout de cet
apprentissage, miroitait la promesse folle d'Andopal... Préserver le
secret de ce dernier n'avait pas été aisé et les deux amants avaient du
inventer mille ruses pour tromper Sacham, qui, en effet, trouvait un
air aussi troublant qu'étrange à ce jeune homme aux traits efféminés et
à la grâce naturelle.
Naryal avait moult fois questionné Miria sur
ce qu'elle comptait octroyer au capitaine et qui valait plus que tout
l'or de Gor. Elle refusait à chaque fois de lui répondre et lui
murmurait de ne pas s'en soucier, qu'elle s'occupait de cela et que
cela importait peu. Cela apparaissait à Naryal comme un manque total de
confiance et blessait terriblement son orgueil tout en ravivant la
passion coupable qu'il éprouvait pour elle. Leur relation s'était
compliquée durant ces quelques mois, ils n'avaient guère plus
d'intimité et ne pouvaient courir le risque de trahir la nature
féminine de Miria ni même les liens amoureux qui les unissaient. Et si
Miria n'en souffrait pas réellement, Naryal subissait la torture.
Elle laissa, lentement, un sourire se dessiner sur ses lèvres. Puis, elle répondit avec une note d'amusement :
"Soit. Ce que je vais t'offrir, ce soir, capitaine, est immensément précieux, mais tout aussi éphémère."
Il
ne rétorqua rien. Il attendait. Elle commença à défaire sa tunique,
faisant glisser le tissu sur cette peau trop satinée. Ces épaules si
rondes, puis les bandelettes, puis sa poitrine, ces deux pétales de
rose égarés dans un champ de neige, symétriques, ses hanches, au galbe
parfait, ce corps de femme qui se libère, qui s'affranchit. Il ne
bougea pas. Il ne paraissait pas surpris.
Lorsqu'elle fut totalement nue, elle s'approcha de lui, d'un pas lent et félin.
"Je le savais", déclara-t-il simplement. "Mais, qui que tu sois finalement, saches qu'à mes yeux, aucune femme ne vaut tout l'or de Gor."
Et
son coeur battait la chamade, détrompant ses propos. Il avait développé
une réelle estime pour Andopal, comme pour Naryal, étonné par
l'habileté et l'intelligence des deux frères. Et le jour, où, par
hasard, il avait surpris Andopal qui se changeait et qu'il avait
découvert la vérité, il n'avait pas hésité et avait gardé le silence.
Parce qu'il était déconcerté, parce que cela avait ébranlé ses
convictions. La plupart des hommes goréens auraient fait en sorte que
pareille tromperie soit châtiée mais Sacham Faenius était un marginal,
un fou, un génie. Et il aimait par dessus tout les exceptions, il
refusait de se conformer aux normes. Les femmes étaient faibles à ses
yeux. Mais Andopal... C'était autant un homme qu'une femme. Il était
vif, adroit et charismatique, impassible. Il ne sombrait pas dans la
sensiblerie habituelle des femmes.
Et maintenant qu'il, qu'elle, se
tenait face à lui, lui exhibant sa féminité éclatante avec une terrible
insolence, il était plus désemparé qu'en colère. Parce qu'elle ne
craignait rien. Parce qu'elle était prête à tout. Parce qu'elle était
plus folle que lui, jusqu'à en être sublime.
"Je ne veux pas me donner à toi, Sacham, il est impossible que j'appartienne à un homme... Je veux juste partager avec toi."
Il ne cilla pas.
"Partager quoi ?"
Elle éclata d'un rire morne et lui souffla à l'oreille :
"Mais
la liberté vraie, la seule, l'unique, celle qui n'obéit pas aux normes
et qui, lorsqu'on la connait, devient l'essentiel, plus importante que
la vie même. Celle qu'aucune chaîne, aucun collier n'entravera
jamais... Celle qui vaut plus, oui, plus que tout l'or de Gor. Celle
que tu cherchais lorsque tu as fui Ar et les honneurs pour plonger dans
la fange de Port Kar."
Il aurait pu se fâcher, la
tuer, la réduire en esclavage, la marquer, l'égorger, la violer, la
jeter à Thassa, l'insulter... Il l'embrassa. Cela marqua la fin du
dialogue, plus un mot ne fut prononcé. Et c'est dans une liberté
absolue, qui défia toutes les lois de Gor, toutes les idées
pré-conçues, les luttes et les combats que chacun avait menés, que
défila la nuit.
Au petit matin, lorsqu'il s'éveilla, elle était partie, lui laissant l'impression mystérieuse qu'il avait simplement rêvé.
(Illustration de Luis Royo)
09 juillet 2009
Miria VIII
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