Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Litanie des filles du Néant.
13 décembre 2008

Etain, du changeling sybarite 2

Etain
Du changeling sybarite
2
 

Image
"Il n'existe que des contes de fées sanglants. Tout conte de fées est issu des profondeurs du sang et de la peur."
Franz Kafka.

L'enfant des hommes perdit la vie dans les jours suivant sa naissance, et la reine de fées se retrouva esseulée et dans l'incapacité de récupérer sa propre fille, vivant désormais dans un foyer humain -Les fées ont de sévères lois qui régissent leurs malices. Les fils de la fatalité firent donc qu'Etain de Maison-Dieu et Nimue s'étaient confondues, dans les cœurs de deux mères, et que là où deux était nées, une seule allait vivre.

La gouvernante contemplait, par la fenêtre de verre sombre, l'ondée qui fondait vers le sol, en une masse éthérée et translucide dont l'aspect seul faisait éprouver la froideur. Le jour précédent, un soleil rayonnant avait baigné de lumière et de chaleur l'austère demeure. L'enfant ébouriffée et agitée, la petite Etain de Maison-dieu, jubilait et un large sourire s'étendait sur son minois, lui conférant un air malicieux et satisfait.

"Vous voyez ! Je vous l'avais dit qu'il allait pleuvoir aujourd'hui !", s'exclamait-elle, en sautillant autour d'elle en une attitude narquoise.

Il était vrai que cela paraissait improbable, le jour précédent. Aucun présage, aucune levée de nuage, aucun vent capricieux, n'avait laissé penser qu'une pareille averse pouvait succéder à l'exhibition frappante de l'astre solaire. Et pourtant, cette petite peste, qui ne savait pas se tenir en place, que tout ennuyait, qui préférait gambader en forêt que d'apprendre les leçons que doivent connaître les filles de bonne famille, avait clairement annoncé ce temps calamiteux, et ce, quelques jours auparavant, sans avancer la moindre preuve. Elle eut probablement pensé que c'était là un vilain tour du hasard, si ce genre de prédiction n'avait pas déjà émergé d'entre les lèvres d'Etain. Mais cela n'était pas la première fois, et plus le temps s'égrainait, plus cette enfant de huit printemps la surprenait.
Etain était une fillette intenable. D'apparence, on l'eut aisément prise pour une poupée délicate, tant sa peau était claire et sa chevelure soyeuse, tant son regard était lumineux et ses lèvres brillantes. Mais dès qu'elle s'animait, elle s'avérait être un véritable diablotin, bondissante, hurlante, capricieuse, excitée... Oui, décidément, ce tendron était aussi attachant que détestable.

Les enfants des fées étaient souvent bien différents de ceux des hommes. Ils naissaient gorgés d'un savoir magique parfois inconscient. Les mortels tendaient à croire que les changelings étaient noirauds et laids, et que cela constituait un critère, afin de déceler ceux-ci. Ils avaient torts.
L'abime venait de ce que les êtres féeriques avaient dans la peau cette indépendance, cette sauvagerie, cette quête de sagesse inconsciente... Souvent, ils ne percevaient leur magie que tardivement, lorsque la rationalité humaine les opprimaient. Certains changelings perdirent la vie sans jamais avoir appris ce qu'ils étaient -point de mort naturelle, les fées vivent des siècles-. Le mystère des fées reposait sur plusieurs dons qui suscitaient bien des fantasmes chez les humains : elles pouvaient lire et influer sur la destinée -pareilles aux Parques-, entraîner mille prodiges et actions surnaturelles qui touchent à tous les domaines de la nature... Les plus occultes d'entre elles annonçaient aussi le trépas. Elles étaient les "fées oubliées".


(Illustration de Marc Brunet)

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité