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Litanie des filles du Néant.
1 juillet 2008

Phaedra 2.

Les chroniques de Phaedra.
D'une infâme mais sublime courtisane.

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"La femme est le chef-d'œuvre de Dieu surtout quand elle a le diable au corps !"   
Alphonse Allais.

.
.. Deuxième acte ...



Elle était rentrée tard dans la nuit, comme un bruissement. Déjà dehors les hurlements se faisaient entendre. L'air nocturne était agréablement frais à Khemi, et ses pas se faisaient feutrés. Anissa, son esclave, l'attendait, inquiète, n'ayant pas parvenu à trouver le sommeil. Phaedra lui sembla tendue et soucieuse. Refermant la porte de bois peinte en rouge derrière elle, elle dit, d'un ton sombre :

"Anwar est mort. Je l'ai tué."

Anissa acquiesça. Cela ne l'étonnait pas de la part de sa maîtresse, qu'elle avait appris à connaître. Elle observa plus en détail celle-ci : les voiles qu'elle portait étaient en mauvais état, sa chevelure en bataille, boucles irrégulières et sauvages, le khôl avait ruisselé de ses yeux en des larmes noires qui maculaient ses joues.

"Je dois partir sur le champ, me faire oublier... Si je tiens à ma précieuse liberté."


Sans lui laisser le temps de répondre, la belle traversa rapidement la pièce à vivre pour prendre une petite paire de ciseaux en argent, déposée sur une petit table joliment sculptée dans un bois sombre. Puis, avec empressement, et sans un regret, elle coupa une à une les boucles de ses cheveux, jusqu'à ce que ceux-ci soient courts. Elle ne devait pas être reconnue pour pouvoir quitter la ville... Elle retira ensuite les voiles qui recouvraient son corps, se mettant nue, sans une once de pudeur, pour revêtir l'une des robes rapiécées d'Anissa, et l'enfiler en silence. Elle posa une cape de bure sur ses rondes épaules nues, puis, enfin, elle ouvrit un tiroir pour saisir une petite bourse pleine, d'un tissu luisant.

"Tu es libre, ma petite Anissa. File d'ici avec cette bourse."


Anissa sentit les larmes rouler sur ses joues, pour s'écraser au coin de ses lèvres.

"Merci maîtresse, que Set vous protège..."

Elle ne devait pas faire perdre de temps à Phaedra. Une fois seule dans la demeure, la courtisane se contempla dans un miroir. Elle était toujours aussi belle, mais méconnaissable. Son épaisse chevelure lui donnait un air sauvage, qu'elle conservait toujours dans le flambeau de ses prunelles mais qui s'était considérablement atténué. Elle tira la capuche sur son front pour masquer sa face. Le silence froid de la demeure contrastait avec la rumeur dehors. Une meurtrière, voila ce qu'elle était. Elle n'avait aucun remord. Elle regarda autour d'elle. Tout ce luxe... Gloire d'une vie, triomphe voluptueux d'une courtisane. Mais rien n'était simple et les périls étaient nombreux. Elle s'était constitué comme un objet en vendant son corps, et elle devrait tôt ou tard en payer le prix. Mais Set veillait sur elle...
Sa réussite l'avait rapidement ennuyée. Ses amants l'écoeuraient pour la plupart, riches aristocrates vautrés dans une luxueuse décadence. Ses consoeurs, futiles, l'attristaient profondément. Elle était née dans le peuple. Elle avait gravi les marches de la société une à une, usant des quelques armes dont elle disposait, mais elle avait voulu être éduquée, cultivée. L'ennui l'avait rapidement poussée à se tourner vers toutes les formes de connaissance possibles, dont la magie noire faisait partie... Un sourire vint ourler ses lèvres à cette pensée. Elle savait déjà où elle allait pouvoir se réfugier, même si elle prenait un grand risque en faisant ce choix.
Elle se détourna du miroir, puis, d'un pas vif, se dirigea vers la porte. La porte se referma en claquant derrière elle.


  ... Suite à venir ...

  (Illustration d'Ana Mirralès)

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