Phaedra 1.
Les chroniques de Phaedra.
D'une infâme mais sublime courtisane.
(Univers de Conan)
"La vraie beauté n'est pas celle qu'on a du plaisir à contempler, mais celle devant qui on doit fermer les yeux." Etienne Rey.
... Premier Acte ...
"Tu ne peux pas me faire ça !"
La créature qui lui faisait face esquissa un sourire amusé, puis
s'approcha de lui, ondoyante, roulant des hanches avec nonchalance, le
regard moqueur. Des voiles légers et transparents effleuraient le satin
de sa peau brune à chaque pas.
"Te faire quoi, Anwar ? T'abandonner? Bien sûr que si, je le peux..."
Elle était à quelques centimètres de lui, et son parfum capiteux venait
enivrer l'odorat de son interlocuteur. Sa chevelure sombre caressait de
ses amples boucles sa poitrine à peine voilée. Ses pieds nus
effleuraient à peine les mosaïques raffinées qui recouvraient le sol.
Elle plongea son regard d'or fondu dans celui-ci du noble : il était
beau, d'une beauté parfaite : une peau d'ivoire, une chevelure sombre
et lisse tressée avec soin. Mais il la répugnait, comme tous les
autres. Il s'empara brusquement des mains fines de Phaedra, doigts
élégants couverts de bagues, poignets fins encerclés de bracelets de
métal doré et l'attira contre lui.
"Par Set, que cherches-tu ? Je t'offre une vie paisible dans le
luxe, avec un homme qui t'aime... Et tu oses refuser ? N'importe quelle
femme de Stygie serait enchantée d'une telle offre..."
Elle le fixait toujours, de son impassible beauté, de ses prunelles
flamboyantes. Puis elle se mit à rire. C'était vrai qu'elle était née
chez des manants, et que Anwar était un de plus grands nobles de la
nation. Pour elle, il était prêt à outrepasser la règle des castes.
Mais tant d'hommes de Stygie étaient prêts à un tel sacrifice. Elle
était la plus grande courtisane de cette nation. La plus convoitée.
Elle le repoussa doucement, d'un simple geste de la main. Il ne résista
pas, perplexe.
"Cela
ne m'intéresse pas. Une telle vie me ferait mourir d'ennui, et tu le
sais bien. Vous m'aimez parce que vous ne pouvez me posséder
réellement."
Elle le contourna lentement, n'hésitant pas à le frôler comme pour
l'achever. Il fronça les sourcils : il n'avait pas l'habitude qu'on lui
refuse quoi que ce soit. Il poussa un grognement.
"Ne me force pas à devenir désagréable, Phaedra. J'ai les moyens de te contraindre, s'il le faut."
Elle s'arrêta net, et de ses lèvres pulpeuses s'échappa un rire léger
comme l'eau d'un torrent, un rire teinté d'ironie. Elle se retourna
pour le toiser, sans dissimuler son mépris désormais. Déjà des flammes
dansaient dans son regard.
"Me contraindre à quoi ? A t'aimer ? Tu n'y
parviendras pas, Anwar... N'as-tu pas déjà essayé en faisant assassiner
Andopal ? N'as-tu pas vu quel échec cela fut... Et dire qu'il n'était
même pas mon amant. Il était juste mon maître : il m'enseignait la
démonologie. C'était mon ami, aussi, incontestablement."
Il blêmit : elle savait qu'il avait commandité ce meurtre. Elle le
fixait désormais avec une effroyable froideur. Peu à peu, un sourire
mauvais naissait sur ses lèvres jaspées.
"Alors, tu n'as rien à répondre à cela ? Dommage... De toute façon, tu vas bientôt te taire à jamais..."
"Tu n'oserais pas, ce serait te condamner..."
Elle ne répondit pas. Les flammes ondoyaient déjà autour d'elle,
caressant sa chevelure. Puis ce fut lui qui s'embrasa, dans un cri
d'horreur. Bientôt, il n'y eu plus que des cendres à la place de son
amant. Noble mais oisif. Pauvre larve incapable de se défendre
elle-même. Phaedra s'en détourna rapidement.
"Et alors ? Je n'ai aucune envie de pourrir en Stygie, mon amour..."
... Suite à venir ...
(Illustration d'Ana Mirralès)